Avec une flotte doublée depuis la dernière décennie, l’aviation d’affaire occupe une place incontournable dans l’économie africaine. La dynamique de ce secteur promet de ne pas s’arrêter là pas là puisque plus 600 livraisons d’avions,(en majorités des petits ou moyens appareils) sont attendues dans les dix ans à venir pour un montant de près de 7 milliards de dollars. Une étude menée par Bombardier Business Aircraft, Market Forecast, estime que la croissance annuelle de la flotte africaine avoisine les plus 3,2 %.
Parmi les clients ciblés il y a tout d’abord les entreprises privées et les hommes d’affaires notamment dans le secteur minier et pétrolier mais aussi les personnalités politiques. Tous ont adopté le jet privé comme moyen de transport préféré pour traiter plus rapidement les affaires courantes. Le proverbe « Time is money”, attribué à Benjamin Franklin prend ici tout son sens !
Les africains fortunés et les VIP ont également contribué à faire de l’aviation d’affaire une véritable niche dans le domaine du transport aérien en Afrique.
Tout ce « beau monde » représente environ 140 825 personnes à valeur nette élevée plus communément appelées HNWI (High net worth individuals) qui ont à leur disposition environ 3,5 jets pour 10 000. Une proportion remarquable si l’on considère que la moyenne mondiale stagne à 1,5 jets privés pour 10 000 HNWI et celle de l’Europe à 0,9.
Un horizon sans nuage
Le secteur de l’aviation d’affaire a su tirer parti des carences de celui des grands transporteurs commerciaux ainsi que du faible niveau de connexions aériennes, routières et ferroviaires entre les villes d’Afrique. Ces accès sont toujours difficiles à assurer par les vols commerciaux des compagnies aériennes africaines. L’aviation d’affaire profite également de l’exploitation pétrolifère et minière qui constituent un pilier majeur de l’économie africaine.
Les professionnels s’accordent pour dire que l’effondrement du cours des matières premières n’a en rien altéré la bonne santé de l’aviation d’affaire. Ce domaine reste essentiellement dédié au transport en jets et autres turbopropulseurs qui constituent le moyen de déplacement des businessmen. Près de 85 % des vols de jets privés africains concerne les déplacements de patrons de groupes privés ou de dirigeants politiques. Les vols pour les particuliers fortunés représentent les 15 % restant.
La santé de l’aviation d’affaire est à ce point florissante que le trafic privé ne cesse d’augmenter. Selon l’Association africaine de l’aviation d’affaires (AFBAA) on dénombre près de 2000 avions privés en Afrique dont la moitié de jets et l’autre de turbopropulseurs. Cette même source indique également qu’il s’agit essentiellement de liaisons à l’intérieur du territoire africain (72 %). Les autres destinations concernent pour 18 % les pays du Golfe et pour 6 % le continent européen.
La naissance de nombreuses petites compagnies privées
La moitié de la flotte africaine d’avions privés se rassemble en Afrique du Sud et au Nigéria. Le reste se répartit sur l’Egypte, le Maroc, la Tanzanie, l’Angola et la République Démocratique du Congo où le dynamisme du secteur minier a généré une recrudescence des compagnies de jets privés. Le prochain gros marché concernera donc ces pays sous réserve que l’Afrique se dirige vers une meilleure stabilité intérieure.
Pour répondre à la demande croissante de transports de particuliers, plusieurs compagnies africaines ont fleuri sur les tarmacs du pays. A l’origine de leur création, le rapide calcul de patrons qui ont vite compris la rentabilité de créer leur propre flotte. C’est la raison pour laquelle on a vu se multiplier ces dernières années de nombreuses petites compagnies locales comme Maroc Air Ocean ou Med Air Ways qui ont fait leur apparition pour développer leur propre concept d’avion-taxi.
L’apparition de Medi Business Jet (MBJ) dans le ciel africain confirme que l’aviation d’affaires est en constante et forte augmentation au Maroc depuis 2010. Première compagnie marocaine créée à titre privé, MBJ a été lancée en 2004 par trois dirigeants qui ont mutualisé leurs avions. D’autres propriétaires d’appareils les ont suivis, permettant ainsi à MBJ de disposer de sept avions à ce jour.
Au Nigéria, on citera aussi Dana et Barbedos, deux groupes dédiés respectivement à l’industrie pharmaceutique, agroalimentaire pour l’un et à la distribution automobile et commerce pétrolier pour l’autre. Ils ont choisi d’investir dans des jets privés via leurs filiales aériennes pour assurer le transport de leurs cadres dirigeants. Ces mêmes jets sont aussi disponibles à la location de manière à en optimiser les coûts.
La majorité des propriétaires de jets privés choisissent de rester discrets en évitant d’étaler ainsi leur richesse mais dans le microcosme du monde de l’aviation, leur identité n’est un secret pour personne… Toutefois, le nombre exact d’appareils privés reste encore difficilement estimable car ils sont pour la plupart enregistrés à l’étranger, notamment aux Etats-Unis, aux Bermudes, à l’Ile Maurice où à l’île de Man. La raison est simple : un avion enregistré par exemple au Nigéria est immédiatement suspecté de mauvais entretien et se trouve de fait difficilement revendable.
Les avions privés les plus répandus en Afrique
Le choix des HNWI se porte en général vers les bombardiers à long rayon d’action tel que le Global Express XRS, dont le coût est estimé à environ 50 millions de dollars. Parmi les heureux acquéreurs de ces petits bijoux on citera Aliko Dangote, le businessman le plus riche d’Afrique mais aussi Mike Adenuga, le magnat de la téléphonie mobile ou encore Folorunsho Alakija la baronne du pétrole.
D’autres appareils évalués entre 39 et 57 millions de dollars sont la propriété de millionnaires nigérians, tous domaines d’activité confondus.
Avec 169 jets, l’Afrique du sud détient la palme du plus grand nombre de jets présents sur son territoire et concentre 34 % des avions privés du continent. Elle se place à ce titre parmi les 20 premiers marchés mondiaux de l’aviation d’affaire. Le pays recense également 279 à hélices. En termes de jets privés l’Afrique du Sud est talonnée par :
- Le Kenya(134)
- le Nigéria(91)
- la Tanzanie(82)
- l’Angola(70)
- l’Egypte(41)
- le Maroc(32)
Des chiffres encore timides mais encourageants
Le marché africain de l’aviation privée est occupé par cinq principaux avionneurs : Hawker (22 % du parc), Cessna (20%), Bombardier (18 %), Gulfstream et Dassault (13 % chacun). Le reste de la flotte se répartit à 61 % sous exploitation privée puis l’affrètement. D’ici 2025, l’Afrique devrait se doter de 200 appareils neufs, en grande majorité des avions légers pour un montant de 7 milliards de dollars qui seront pour la plupart livrés en Afrique du Sud et au Nigéria.
Comme indiqué plus haut, depuis 2014 et jusqu’en 2033, pas moins de 685 avions sont attendus sur tout le continent africain. Ces prévisions laissent supposer une augmentation du nombre de personnes fortunées en Afrique mais restent encore faibles en comparaison des 8300 nouveaux avions qui devraient être livrés dans le même temps partout dans le monde. L’Afrique peine en effet à renouveler sa flotte pour deux raisons principales.
Malgré leur relative vétusté (environ 20 ans de moyenne d’âge) les avions d’affaire sont encore en parfait état de vol même si certains pays comme l’Éthiopie surveillent de près l’usage d’avions d’un âge avancé. Par ailleurs, rares sont les entreprises capables de s’offrir un jet privé et les établissements financiers spécialisés dans les prêts pour l’acquisition d’avions rechignent à financer ce type d’opérations pour des entreprises africaines. C’est la raison pour laquelle les personnes intéressées par l’achat d’un avion privilégient des appareils de petite taille de type Cessna Bravo allant jusqu’à 5 millions d’euros, plus faciles à financer qu’un jet privé.
Offensive pour gagner la bataille du ciel africain
Les comportements des usagers dans le transport aéronautique révèlent bien souvent l’état de santé de l’économie d’un pays. Lorsque les affaires sont moins florissantes les personnes voyageant habituellement en classe affaire troquent leurs sièges confortables pour des places en classe économique. De même les habitués des jets privés se rabattent sur les vols de ligne. Et inversement.
C’est ainsi qu’au vu de la situation délicate de l’aviation d’affaire européenne et de la forte croissance du marché de l’aérien en Afrique, de plus en plus d’opérateurs européens ont choisi de déplacer leurs actifs en Afrique. Ils choisissent de baser des appareils de leur flotte dans les plus grands aéroports africains et vont parfois jusqu’à y construire des terminaux privés. Au Maroc, des compagnies européennes comme Net Jets (appartenant au milliardaire américain Warren Buffet) proposent des services spécialisés dans l’aviation d’affaire sur les aéroports de Marrakech, Casablanca et Tanger avec des salle d’embarquements VIP et des services sur-mesure.