Home Afrique La cuisine africaine, une gastronomie trop souvent sous-estimée

La cuisine africaine, une gastronomie trop souvent sous-estimée

SHARE
La cuisine africaine, une gastronomie trop souvent sous-estimée
La cuisine africaine, une gastronomie trop souvent sous-estimée

La cuisine africaine n’est pas très valorisée hors Afrique, étant trop souvent placée à un niveau plus bas parmi les gastronomies du monde. Pourtant, peu de plats au monde peuvent égaler les saveurs relevées de la cuisine africaine qui brillent par ses ingrédients variés et multicolores. Existe-t-il en réalité une gastronomie africaine ? Si oui, comment est-elle perçue par le monde ?

La cuisine africaine : une diversité de goût et de couleurs

Les méthodes d’agencement et d’association des ingrédients sont des indicateurs de l’identité culturelle d’un pays ou d’un continent. Quand on regarde l’Afrique et la diversité de ses peuples, de langues et de végétation, il est facile de reconnaître les plats africains. La cuisine africaine, c’est beaucoup de couleurs, beaucoup de saveurs et une grande variété d’épices.

Du thieb (ou tiep) sénégalais au « Attiêke » de la Côte d’Ivoire en passant par la sauce légume du Bénin sans oublier le fameux « com » du Togo, les nations africaines se sont formées des identités culinaires très fortes. D’aucuns diront pourtant qu’il n’existe pas de gastronomie africaine au sens propre du terme. La gastronomie africaine se trouve en fait talonnée par de nombreux préjugés qui reposent sur sa posture sociale et économique vis-à-vis du monde occidental.

On la traite donc de tous les noms, parce qu’elle serait trop grasse. Parce qu’il n’y aurait pas vraiment un corps de professionnels organisé de la cuisine africaine. Parce qu’il n’existe pas des documents d’autorité sur la cuisine africaine, la cuisine africaine n’a pas vraiment une voix.

On considère qu’elle n’a pas des codes de services établis, puisque la gastronomie en elle-même se définit comme l’art de la bonne chère, de l’ordonnancement des repas, de déguster et d’apprécier les mets.

La cuisine africaine : l’une des gastronomies les plus riches au monde

Il est vrai que contrairement à l’Occident, l’Afrique, dans son approche, peut paraître ne pas avoir des milliers de codes rédigés. Cependant, le continent ne manque pas de gastronomie. Tout Africain sait que les plats africains ne se cuisinent pas et ne se mangent pas sans un protocole bien connu.

On ne peut par exemple par manger le com du Togo sans une certaine dose de piment ! L’Attiéké ne se mange pas avec de la viande ou des champignons. Il s’accompagne exclusivement de poisson frit. De même, le placali de la Côte d’Ivoire ne peut pas être présenté comme s’il s’agissait d’akassa. Il y a un agencement à respecter dans la présentation du plat.

Quand est-il donc du Kédjénou ? Il se prépare avec des ustensiles de cuisine spécifiques. Et la sauce mantindjan du Bénin alors ? Peut-on vraiment prétendre avoir réussi du mantindjan sans respecter un certain nombre d’étapes de cuisson et sans ajouter des crabes, du kpanman ou la peau de bœuf fumé ?

Alors, certains ont pu dire que la gastronomie africaine n’existait pas ? L’Afrique a des ustensiles pour certains plats, des étapes pour certaines recettes, des ingrédients incontournables pour créer la saveur parfaite.

L’avantage avec le continent africain, c’est sa riche végétation et son climat qui facilitent l’accès à une grande diversité de légumes, de tubercules, de céréales, de feuilles pouvant servir d’épices, de plantes aromatiques, etc. Plus intéressant encore, ce sont ses multiples épices très appréciées pour leur goût particulièrement relevé.

D’ailleurs, aujourd’hui, plusieurs peuples élèvent l’étendard de leur nation à travers leurs pratiques et leurs particularités culinaires, qui comme s’il s’agissait d’un drapeau et d’un hymne, renforcent l’identité nationale.

Plusieurs ont donné de la valeur à leur gastronomie, de sorte à transformer certains plats africains en des richesses culturelles, très souvent vendues dans le cadre des voyages touristiques. Cela dit, la véritable question n’est pas seulement de savoir comment la cuisine africaine est développée. Il faut aussi savoir comment elle est présentée et perçue à l’extérieur.

La cuisine africaine face à la mondialisation

La mondialisation est l’une des épreuves les plus rudes auxquelles les cultures fortes ont été soumises. Avec la suppression des frontières culturelles, les identités sociales et culturelles les plus ancrées se sont retrouvées contraintes de subir la dictature du changement. Ici et là, les changements s’invitent et parfois même s’imposent.

Dans ce contexte, les relations entre nations et nourritures se sont quelque peu complexifiées. Les origines des histoires culinaires deviennent de plus en plus complexes. Par exemple, le riz, facile à cuire, représente une composante principale de la cuisine sénégalaise. Pourtant, le riz consommé au Sénégal est très souvent importé d’Asie.

Il faut reconnaître que la présentation de certains plats est parfois modifiée de sorte à les rapprocher de la gastronomie française. Serait-ce pour faciliter leur intégration dans les espaces de dégustation haut de gamme ? L’emprunt d’éléments à d’autres gastronomies, enrichit-il la gastronomie africaine ou la dénature-t-elle ? Une chose est certaine, la gastronomie africaine doit s’adapter au contexte social pour s’exprimer efficacement face au monde.

Quand la cuisine africaine se réinvente pour s’exporter

Bien qu’elle soit souvent sous-estimée dans le concert des gastronomies, la cuisine africaine s’exporte de plus en plus. L’immigration a sans doute son rôle à jouer dans cette dynamique.

Les Africains devant passer plusieurs années en France, au Canada ou en Russie, ils parviennent finalement à rester en contact avec leur continent grâce à ces rayons africains qui se développent de plus en plus dans les grands marchés occidentaux.

En effet, au Canada, en France, aux États-Unis, etc., on peut se procurer des ingrédients pour préparer des mets typiquement africains. Plusieurs n’hésitent donc pas à se faire plaisir en replongeant de temps en temps dans les saveurs africaines.

De même, dans plusieurs pays, des individus et des groupes ont pris la décision de représenter l’Afrique à travers leurs pratiques culinaires. Ainsi, des évènements tels que « We Eat Africa », le premier festival de cuisine africaine, ont été mis en place afin de donner une présence valeureuse à la cuisine africaine à l’extérieur.

On retrouve également de nouvelles tendances afro, des restaurants haut de gamme (à Paris par exemple) qui ont mis en place une formule pour présenter avec finesse la gastronomie africaine, ses ustensiles, ses saveurs, ses codes, etc.

Ainsi, s’il est vrai qu’il faut encore du chemin pour que la gastronomie africaine soit portée par une documentation efficace et une promotion suffisante, les mets africains se retrouvent de plus en plus sur la table des fins gourmets. Une chose est certaine, la cuisine africaine n’a pas dit son dernier mot.

Crédit Photo : Le Paljovic