4 jours, 4 pays, 1 seul objectif. Reconquérir l’Afrique. À l’heure où l’Afrique est devenue la grande convoitée de puissants acteurs mondiaux, Paris cherche à « ré-articuler sa politique africaine » pour sécuriser ses acquis sur le continent. Du 1er au 4 mars dernier, le président français Emmanuel Macron a effectué sa 18ième visite en Afrique dans un contexte où son pays perd de plus en plus son emprise sur le continent. De Libreville à Kinshasa, en passant par Luanda et Brazzaville, Emmanuel Macron essayait tant bien que mal de partager sa nouvelle vision de la relation Afrique-France. La tournée, a-t-elle été un succès ? Que faut-il attendre de la relation Afrique-France après cette visite ?
La France face à une Afrique rebelle et convoitée
C’est un climat de défiance qui a accueilli le président français pendant les 4 jours qu’a duré sa visite en Afrique Centrale, notamment au Gabon, au Congo-Brazzaville, en RDC, et en Angola. Face à une Afrique de plus en plus rebelle et qui affiche un malaise anti-français qui se répand, Emmanuel Macron essayait-il de sauver les meubles ? Ce qui est certain, la relation entre son pays et le continent traverse des jours sombres depuis la série d’actes traduisant un désir manifeste des pays africains de sortir du pré-carré postcolonial.
Il y a d’abord eu les revendications liées au franc CFA lancées en 2019. Ensuite, c’était la restitution d’œuvres d’art. Tout dernièrement, le Mali puis le Burkina Faso ont vertement congédié de leurs territoires, les bases militaires françaises, principal atout de l’influence française sur le continent.
De Libreville à Kinshasa en passant par Luanda et Brazzaville, le président a été clair : la France ne va pas déserter l’Afrique. Il rappelle que la réorganisation militaire française dont il a parlé dans son discours du lundi 27 février depuis l’Élysée n’est « ni un retrait, ni un désengagement ». Dans ce cas, quel lendemain cette visite réserve-t-elle à la relation Afrique-France ?
La nouvelle Afrique-France : que propose Emmanuel Macron ?
Inquiété par l’influence de plus en plus pesante en Afrique des puissances mondiales concurrentes telles que la Turquie, la Chine, la Russie, Emmanuel Macron veut réinventer une nouvelle relation avec les pays africains et donner un nouveau visage à la politique française sur le continent. Il rassure que ce renouveau sera marqué par une présence relativement modeste des troupes militaires françaises sur le continent.
Le deuxième jour de sa visite, au Gabon, autrefois colonie francophone et depuis peu membre du Commonwealth, Emmanuel Macron a abordé la question climatique et celle de la défense des forêts tropicales. Il a surtout martelé la fin de la « Françafrique », puis indiqué que la France sera désormais un « interlocuteur neutre » sur le continent africain tout en promettant d’établir une relation « équilibrée, réciproque et responsable » avec le continent.
Pourtant, quand on considère l’allégeance d’Ali Bongo et de Denis Sassou-Nguesso à la puissance coloniale d’une part et le potentiel de la RDC et de l’Angola pour les partenariats stratégiques d’autre part, on trouve très peu de raisons de croire que le choix de ces quatre pays est anodin. D’ailleurs, c’est par la signature d’un accord de financement de 100 millions d’euros avec la RDC via l’AFD que le président français a achevé son marathon à quatre étapes.
Il est intéressant de faire remarquer que la RDC et le Gabon éliront un nouveau président cette année. À ce titre, certains membres de l’opposition gabonaise ont d’ailleurs affirmé avoir l’impression que la visite d’Emmanuel Macron au Gabon au cours de cette année électorale est une stratégie pour encourager la réélection d’Ali Bongo Ondimba, président du Gabon depuis 2009.
La nouvelle relation Afrique et France : les conditions d’un avenir ensemble
Si le président Français a rassuré de sa volonté d’établir une nouvelle relation « équilibrée, réciproque et responsable » avec les pays africains, il n’a malheureusement pas indiqué comment cette relation fonctionnerait sur les plans économique, culturel, social, sanitaire et écologique, puisque ce sont là les priorités africaines.
En effet, comme l’a signifié le président de la RDC pendant la visite d’Emmanuel Macron, cette nouvelle Afrique-France ne passera pas par une assistance de l’Afrique à la résolution de ses problèmes. Il s’agit plutôt pour la France de respecter ses engagements.
L’abandon de la perspective paternaliste implique le changement des règles du jeu de la mondialisation pour que l’Afrique en bénéficie au même titre que la France et la promotion des investissements et des échanges commerciaux et plus efficaces, plus transparents et plus adaptés aux priorités africaines. Plusieurs autres paramètres doivent aussi être réglés pour une véritable relation « équilibrée, réciproque et responsable » entre les pays africains et la France.
Par exemple, l’Union africaine pourrait devenir membre du G20, au même titre que l’Union européenne. De même, la France pourrait soutenir l’accès du continent à la scène des négociations internationales et promouvoir une plus grande transparence des méthodologies d’évaluation par certaines agences de notation internationales des dettes des pays africains. Ceci permettra d’éviter l’exagération de la perception des risques et augmentera la capacité des pays en développement à obtenir des financements internationaux.
Dans la mesure du possible, la France pourrait même proposer et soutenir les réformes des banques de développement et autres institutions pour arrêter la distribution inéquitable des ressources et permettre aux pays vulnérables africains n’ayant pas de frontières de mieux faire face aux diverses crises, qu’il s’agisse de crise climatique, sanitaire ou économique.
Il faudra également noter que l’Afrique regorge d’une batterie de réponses à la question mondiale du climat, notamment grâce aux minéraux verts que renferme son sous-sol. Les relations entre la France et le continent doivent permettre une valorisation desdites ressources sur le sol africain avant leur exportation. Ceci permettra de créer plus d’emplois et aidera les populations africaines à maximiser le potentiel de leur sous-sol.
En dépit des discours d’Emmanuel Macron, le député français Aurélien Taché met en doute la méthode française et affirme que « pour être efficiente, la stratégie africaine de Paris doit devenir un vrai sujet de politique intérieure » en France. En clair, c’est dans les actes et non dans la rhétorique que la nouvelle relation doit être réinventée. L’avenir permettra donc de statuer sur ce qu’il en sera de cette relation.