Alors que le nombre de cas se compte toujours par dizaines de milliers, voire par centaines de milliers sur d’autres continents (Europe, Amérique), l’Afrique reste relativement le continent le moins touché par la pandémie de la Covid-19. A ce jour, en effet, sur l’ensemble des 54 États, environ 100.000 cas de coronavirus ont été répertoriés tandis que certains pays, en Occident, pris isolément, en comptent des multiples de ce chiffre. Aux États-Unis, par exemple, ce sont près de 2 millions de cas qui ont été dénombrés à ce jour avec 341717 décès. Au regard de ce tableau, le nouveau coronavirus serait-il en train de «se casser les dents» sur nos terres tropicales d’Afrique ? La question mérite bien qu’on se la pose vu la manière dont cet ennemi invisible fait trembler et continue d’affliger des pays Occidentaux, malgré leurs moyens techniques, humains et logistiques conséquents. En tout cas, en ce qui concerne l’Afrique, des experts tentent quelques explications qui plaideraient en faveur du continent : la jeunesse de sa population combinée à ses expériences antérieures de gestion de certaines crises sanitaires, et potentiellement, son climat qui ne serait pas très hospitalier au SARS-COV-2.
L’apocalypse de Saint Antonio Guterres
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait prédit que près d’un quart de milliard d’Africains pourraient être infectés par le coronavirus au cours de cette première année de pandémie et que 150 000 à 190 000 d’entre eux en mourraient. Dans la même veine, Antonio Guterres, l’ancien Premier ministre portugais et Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (ONU) avait annoncé, pour sa part, sans sourciller l’apocalypse sur le continent. La déclaration du patron de l’ONU à la ville et au monde était si péremptoire qu’on pensait l’ apocalypse imminente et imparable. «Il y aura certainement des centaines de milliers de morts», avait décrété le fonctionnaire international, suscitant l’ire de bien d’Africains tel que le journaliste Adama Gaye, qui lui a servi une réponse sucrée-salée. Mais les mois et les semaines sont passés et l’Afrique touche encore du bois. L’apocalypse n’est pas là. Dieu soit loué. Mais en même temps, il est trop prématuré pour les Africains de crier victoire contre la pandémie qui n’est pas prête de plier bagages. De ce point de vue, l’observance des gestes barrières et de la distanciation sociale doit se poursuivre. Y-a-t-il des raisons objectives qui expliquent la résistance de l’Afrique à la violence de cette maladie ?
Les raisons de la résistance au Sars-Cov-2
Beaucoup de tentatives d’explication ont été avancées ici et là. D’abord, dès les premières semaines d’apparition de la maladie en Asie, puis en Europe, les médecins ont observé clairement que le virus s’attaquait plus aux personnes d’un certain âge (70 ans et plus), et que la mortalité chez les personnes infectées était facilitée par des comorbidités. C’est-à-dire que la plupart de ceux qui mourraient du coronavirus avaient d’autres problèmes de santé comme le diabète entre autres. Thèse encore valable. Or, la population africaine est majoritairement jeune. L’âge médian sur le continent est de 19 ans. On comprend donc logiquement que les Africains soient moins touchés si l’on considère cette observation et que le SARS-COV-2 ait du mal à prendre pleinement ses quartiers en terre africaine.
Ensuite, des épidémies, l’Afrique en a l’expérience de gestion. C’est le cas du virus Ebola qui en 2014, a frappé violemment et éprouvé durement la région ouest-africaine, créant même de l’animosité entre chefs d’État (Alpha Condé et Macky Sall) sur la question de la fermeture des frontières. Le Libéria, la Sierra et la Guinée, en portent encore les stigmates. 11.000 personnes ont succombé à cette épidémie en Afrique de l’Ouest. Mais bien avant l’explosion de cette crise ébola en Afrique de l’Ouest, la République démocratique du Congo se battait contre le virus depuis quelques années. C’est d’ailleurs dans ce pays que cette maladie dite des mains sales a fait beaucoup de victimes. Aujourd’hui encore, ce pays continue de combattre le virus Ébola. Fort donc de cette expérience, les pays africains auraient su adapter les méthodes anti-Ebola à la riposte au SARS-COV-2 qui est le virus du nouveau coronavirus. «Des mesures ont été mises en place dans des pays où il y existe une habitude et une expertise dans les réponses aux épidémies et où les systèmes de santé savent s’adapter à une épidémie», expliquait récemment Isabelle Defourny, directrice des opérations MSF France, invitée dimanche sur Europe 1
Enfin, l’autre facteur important à mettre à l’actif des dirigeants africains, c’est que connaissant la fragilité ou la modestie de leurs systèmes de santé et voyant comment l’épidémie frappait de plein fouet les pays développés, ils n’ont pas hésité à fermer les frontières. Cela a tellement du sens quand on sait que les premiers cas en Afrique ont été importés de l’étranger grâce aux déplacements internationaux des personnes et des biens. A cela, il faut ajouter le confinement plus ou moins strict accompagné de mesures d’état d’urgence (couvre-feu) dans certains pays.
Les Africains «savent que leurs systèmes de santé ne sont pas extrêmement solides et que pour se protéger, ils doivent compter sur eux», ajoute Isabelle Defourny. Pour beaucoup d’observateurs, en clair, l’Afrique a réagi à temps et les dirigeants ont pris la mesure de la menace. «L’épidémie a été prise au sérieux très rapidement par les dirigeants africains et beaucoup de mesures de lutte contre l’épidémie ont été mises en place très précocement », soutenait récemment Isabelle Defourny, directrice des opérations MSF France, invitée dimanche sur Europe 1. Toutefois, si aujourd’hui le nombre de cas cumulés pour les 54 États d’Afrique n’atteint pas le dixième de certains pays occidentaux pris individuellement, il ne faut pas jubiler trop vite ou se jeter les fleurs. Il ne faut surtout pas lâcher les efforts et sacrifices qui sont déjà faits puisque les contaminations se poursuivent lentement. Le déconfinement ne signifie pas la fin de la pandémie.
Le déconfinement mais pas de relâchement
Des pays comme le Burkina, le Mali et même le Sénégal, etc. ont commencé à assouplir les mesures restrictives parce que la situation économique et sociale n’est pas tenable. Mais tout le monde ne comprend pas toujours le sens de ce déconfinement prématuré. Pour sûr, il est urgent de faire preuve de grande vigilance. Comme le disent bien des spécialistes, il faut apprendre à vivre avec ce virus qui, lui, n’est pas prêt de nous lâcher avant la découverte d’un vaccin annoncé pour 2021-2022. Prendre la décision de déconfiner est aussi un risque.
D’ailleurs, on voit bien que la Chine d’où est parti le virus, après avoir fait le confinement le plus sauvage pendant des mois et réussi en apparence, à endiguer la maladie, les autorités de Pékin pensaient avoir fini avec la pandémie. Elles ont déconfiné, l’activité économique a repris progressivement. Et surprise, de nouveaux cas sont apparus au point où le pays est obligé de reconfiner 100 millions de personnes. La Chine n’est pas un cas isolé. En France depuis le 11 mai, ce fut le déconfinement, la reprise de l’activité économique et l’ouverture des écoles. Mais quelques jours après, on assiste à la découverte d’une cinquantaine de nouveaux clusters ici et là sur le territoire. Donc, en Afrique aussi il nous faut gérer de sorte de ne pas commettre les mêmes erreurs que les autres. La situation en Asie et en Europe est de moins en moins apocalyptique. En revanche, les États Unis et surtout le Brésil où les deux dirigeants font preuve de laxisme et politise la crise, la situation est dramatique.
En Afrique, il est d’autant plus urgent de faire preuve de vigilance que le confinement ne tue pas le virus, mais permet juste au système sanitaire de ne pas être débordé du fait de l’explosion de nombreux cas à prendre en charge en même temps. Déconfinement n’est pas synonyme de fin de la pandémie mais il marque plutôt une nouvelle étape de la gestion de la crise. D’ailleurs, en Europe certains analystes disent que le confinement n’aurait pas un très grand impact sur la gestion de crise.
Un virus qui voudra s’incruster en Afrique
Si le nouveau coronavirus n’évolue pas à une vitesse de croisière sur le continent ce qui risque d’arriver, c’est qu’il reste plus longtemps et plus durablement, après qu’il aura été potentiellement éradiqué sur d’autres continents, comme ce fut le cas du paludisme que l’Europe a éradiqué depuis plusieurs décennies alors que l’Afrique continue d’en souffrir. Pour nous éviter cette situation du SARS-COV-2, le masque doit vraisemblablement être un compagnon fidèle dans nos pays. Le masque obligatoire dans les lieux publics comme l’a instauré le Sénégal est un bon départ. Cela est d’autant plus nécessaire qu’un pays comme Hong Kong qui n’a pas fait de déconfinement et malgré la forte densité de la population était très peu touché à la date du 30 mars, après 3 mois d’épidémie. A cette date en effet, le pays était à environ 600 cas d’infection pour 4 décès. La cité État compte 7 millions d’habitants pour 7000 habitants au kilomètre carré (densité 60 fois supérieure à celle de la France). Aujourd’hui encore, la cité compte 1 066 confirmés et 1 030 guérisons et toujours 4 décès. Le secret, c’est que 100% des personnes portent de masque « sans obligation légale». Les écoles étaient certes fermées, mais il n’y avait pas de confinement à proprement parler.
Donc en Afrique, même si le climat n’est pas très hospitalier au nouveau coronavirus, chose qui reste à démontrer scientifiquement, l’heure n’est pas au relâchement. La lutte contre la pandémie du Covid-19 doit se poursuivre en attendant le vaccin. Les chercheurs seraient sur une bonne piste alors que la chloroquine qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive est déclarée pas si efficace que ça, et potentiellement dangereuse .
L’étude est en fait une analyse rétrospective s’appuyant sur 96 000 dossiers médicaux et qui montre que le traitement se traduit chez les patients hospitalisés par un risque accru d’arythmie cardiaque et de décès. L’étude publiée dans le journal scientifique «The Lancet», est contestée par certains chercheurs.