Le forum de Davos, tenu du 16 au 20 janvier 2023 en Suisse, s’est tenu lieu dans un contexte marqué par un recul net de la mondialisation et une persistance de crises géopolitiques énergétiques, économiques et alimentaires. Le Forum économique mondial 2023 était un rendez-vous déterminant pour l’avenir de l’économie mondiale. « Coopération dans un monde fragmenté », le thème du forum, traduit avec éloquence l’ampleur des préoccupations. Et pour l’Afrique, c’était un moment crucial. Misant sur son potentiel unique, le continent veut muscler sa présence sur l’échiquier mondial dans un contexte de crise multidimensionnelle. Retour sur les temps forts du forum, sous l’angle Afrique.
Davos : Quand l’Afrique devient le théâtre d’une compétition mondiale
Les panels du Forum économique de Davos consacrés à l’avenir de l’Afrique ont abordé de long en large les obstacles à la croissance et au développement de l’Afrique. Les participants ont parlé de la très faible intégration commerciale qui est estimée à 2% dans les échanges commerciaux à l’échelle du Maghreb.
De son côté, le président de la Confédération suisse 2023 a attiré l’attention sur « la crise de la dette [qui] étouffe l’Afrique » et qu’il urge de résoudre, parce qu’en septembre 2022, rappelle-t-il, vingt-trois pays africains étaient en situation de surendettement ou étaient au bord du surendettement.
Les perspectives sombres mises en avant par rapport au continent n’ont cependant pas empêché les experts de convaincre de la capacité de l’Afrique à réaliser une croissance plus forte et durable à l’avenir. D’ailleurs, le continent n’est-il pas actuellement ostentatoirement disputé par l’Occident et la Chine qui s’y livrent une guerre économique sans précédent ?
À Davos, en dehors de l’agriculture tech qui demandera d’importants investissement en éducation, en formation professionnelle et en mises en relations des industriels, deux principaux secteurs ont été considérés comme étant des leviers cruciaux pour renforcer et consolider la position de l’Afrique qui se trouve être à la fois le continent le plus jeune et celui qui connaît actuellement la croissance la plus rapide.
L’Afrique à Davos : La Zone de libre-échange continentale africaine ranime l’espoir
Selon les panélistes du forum de Davos, la Zlecaf représente une opportunité sans précédent pour le développement socio-économique de l’Afrique. En effet, dès sa mise en œuvre, elle transformera les 54 pays du continent en un marché unique, notamment avec la suppression des barrières commerciales et tarifaires et l’harmonisation des normes et des réglementations.

Même si les investisseurs sont de plus en plus sceptiques vis-à-vis de l’Afrique en raison de sa grande vulnérabilité aux crises mondiales et des élections prévues dans plusieurs pays africains en 2023, le projet de la Zlecaf a vraiment convaincu. En mai 2022 par exemple, un forum des amis de la Zlecaf a été créé pour mobiliser de grandes entreprises autour du projet.
Il est clair que la mise en œuvre de ce projet très prometteur pour le continent contribuera à accélérer le développement du commerce intra-africain et positionnera le commerce comme une source durable de développement et de croissance en l’Afrique.
Les pays africains pourront ainsi mieux organiser l’exploitation de leurs terres, puisqu’ils détiennent à eux seuls, 65% des terres arables non cultivées restant dans le monde. Ils pourront également mieux organiser l’exportation et la transformation de leurs matières premières dans un cadre plus équitable et plus durable.
Transition énergétique mondiale : l’énorme potentiel vert de l’Afrique intéresse
L’Afrique, ce n’est pas que l’agriculture. C’est aussi un potentiel énorme en matière d’énergies renouvelables. C’est bien ce que les participants au forum de Davos ont noté. Comme l’a rappelé le Secrétaire général de la Zone de libre-échange continental africaine, Wamkele Keabetswe Mene, l’Afrique possède une abondance de minéraux et pourra jouer un rôle essentiel dans la transition énergétique imposée par les enjeux climatiques actuels.
Avec 35% des réserves mondiales de minéraux (cobalt, lithium, manganèse, etc.), le continent est un acteur stratégique de la transformation verte dans le monde. En effet, les entreprises des industries de la fabrication des batteries des smartphones, des ordinateurs et des véhicules électriques, de l’éolienne, de l’énergie solaire, etc., auront besoin de ces minéraux pour réduire leur utilisation des énergies fossiles et du pétrole.
Ainsi, la course est déjà lancée pour les grandes entreprises désireuses de garantir leurs approvisionnements. Cependant, pour maximiser le potentiel énergétique de l’Afrique, Chido Munyati, responsable Afrique et membre du leadership mondial au forum de Davos, préconise :
« En déplaçant la fabrication de batteries en aval vers la source de nombreux intrants essentiels, comme la RDC, où 70 % de l’approvisionnement mondial en cobalt est produit, l’Afrique peut devenir une plaque tournante de premier plan dans la chaîne d’approvisionnement mondiale des véhicules électriques ».
Évidemment, il faudra surtout « investir dans la chaîne de valeur ». Gilles Lepesant, géographe et chercheur au Centre national français de recherche scientifique (CNRS), avertit que « si l’activité se limite à la prospection, à l’extraction des métaux, l’Afrique ne tirera aucun profit de la transition énergétique en Europe ».
Une chose est certaine, l’Afrique retiendra du forum de Davos qu’elle est et restera un acteur majeur de la croissance de l’économie mondiale et que les tensions géopolitiques actuelles représentent une opportunité sans précédent pour tirer profit de son potentiel inégalé sur les plans économique, agricole et énergétique.